Des chercheurs confirment : les corbeaux maîtrisent une capacité cognitive jusqu’ici réservée à l’Homme
Des corbeaux, des parenthèses et une énigme cognitive
On savait déjà que les corbeaux n’étaient pas des oiseaux ordinaires. Mais qui aurait parié qu’ils viendraient chatouiller le monopole humain sur la compréhension de la récursivité ? C’est pourtant ce que confirment d’étonnantes expériences menées à l’Université de Tübingen, en Allemagne, où des chercheurs ont mis ces as du bec à l’épreuve d’un défi intellectuel longtemps cru réservé à l’Homme. Accrochez-vous : nos amis à plumes n’en finissent pas de nous étonner…
L’intelligence du corbeau : bien plus qu’un plumage sombre
La réputation des corbeaux n’est plus à faire. Depuis des années, ils trônent sur le podium du règne animal, en matière d’intelligence, avec des prouesses à faire rougir certains mammifères ! Leur CV est déjà impressionnant : fabrication et usage d’outils, compréhension de signaux numériques, et une myriade d’astuces dignes d’un roman de science-fiction. Pourtant, la découverte récente des chercheurs allemands ouvre une nouvelle page dans la saga des sociétés corvidées…
En effet, pour la première fois, il a été démontré que les corbeaux sont capables d’appréhender la récursivité – ce mécanisme mental qui permet d’intégrer une structure dans une autre du même type, selon une hiérarchie. Prenons une phrase comme « La souris que le chat pourchassait a couru » : la proposition « le chat pourchassait » s’imbrique élégamment dans une autre. La récursivité, jusqu’ici, était vue comme le Saint Graal de la cognition humaine, clé de voûte du langage et de sa richesse.
Expériences : corbeaux contre singes et enfants
Vous vous demandez si tout cela n’est qu’un joli conte ? Revenons sur l’expérience, inspirée d’une étude précédente menée – tenez-vous bien – non seulement sur des hommes, mais aussi sur des singes. En 2020, des chercheurs montraient déjà que certains primates pouvaient comprendre la récursivité, rivalisant même avec des enfants de 3 ou 4 ans. La méthode était simple… du moins sur le papier :
- Présenter deux paires de symboles (parmi ( ), [ ], { }) à disposer dans un ordre donné
- Apprendre à former des séquences de type { ( ) } ou ( { } )
- Récompenser ou encourager selon la réussite (gourmandise pour les singes, félicitations pour les humains !)
Les corbeaux, eux, ont eu droit à une version adaptée à leur style : ils devaient picorer les symboles dans le bon ordre pour réussir la mission. À la clé, une récompense en cas de succès, sinon, écran qui clignote et bruit sonore (un peu moins fun, il faut le dire).
Résultat ? Non seulement ils ont appris à maîtriser les structures { ( ) } et { [ ] } au-delà de 70% de réussite, mais surtout, face à de nouvelles paires jamais vues ensemble, ils ont continué à dérouler des séquences récursives dans environ 40% des cas. Et sans avoir besoin d’une séance de rattrapage ! Leur score était équivalent à celui des enfants, et supérieur à celui des singes, qui eux, avaient eu besoin d’un entraînement supplémentaire.
L’élégance de la récursivité chez les corbeaux… et ses limites
Pour éliminer tout soupçon d’apprentissage mécanique (vous savez, ce moment où on récite bêtement sans comprendre), les chercheurs ont corsé l’affaire :
- Ils ont bousculé la position interne / externe des paires de symboles.
- Puis, ajouté un niveau de difficulté avec trois paires imbriquées !
Grâce à ces variantes, les corbeaux ont montré qu’ils ne se contentaient pas de reproduire un schéma appris par cœur. Même avec trois paires, ils ont choisi la structure récursive centrale la majorité du temps – 42,5 % pour le premier corbeau, 43,8 % pour le deuxième. De quoi clouer le bec aux sceptiques… ou presque. Car certains experts soulignent que l’ordre appris aurait pu influencer le résultat. Mais la complexification avec trois paires réduit nettement ce risque, selon l’équipe.
Pourquoi diable (ou corbeau) maîtriser la récursivité ?
Question qui agite aujourd’hui les esprits : puisqu’ils ne disposent pas d’un langage proche du nôtre, à quoi cette capacité peut-elle bien servir aux corbeaux ? À cette question, Giorgio Vallortigara, professeur de neurosciences à l’Université de Trente, avance une piste : la récursion pourrait intervenir dans d’autres domaines cognitifs, par exemple pour représenter les relations hiérarchiques au sein de leurs groupes sociaux.
En attendant que les corbeaux nous révèlent tous leurs secrets, cette étude vient bousculer la frontière que l’on croyait indépassable entre humains et animaux. Comme quoi, il est grand temps d’arrêter de traiter « d’oiseaux » ceux qui sortent du lot. Peut-être qu’à la prochaine réunion, votre collègue un peu trop futé est juste… un corbeau déguisé ?



