Imaginez un monde où l’on peut garder son yaourt au frais et survivre à la canicule sans prise électrique, ni facture salée : le rêve devient réalité ! Coup de projecteur sur un système révolutionnaire, certifié par des chercheurs, qui pourrait bien transformer notre rapport à la chaleur (et à nos climats intérieurs) sans une goutte d’électricité.

Climatisation : un luxe énergivore… et bientôt hors de portée ?

Parlons franchement : entre le réchauffement climatique qui affiche chaque été de nouveaux records et l’explosion des consommations énergétiques, il va falloir sérieusement repenser nos méthodes de refroidissement. Si beaucoup profitent du confort glacial de la climatisation (coucou la chaussette oubliée qui gèle au pied du lit), ce petit plaisir a un coût colossal :

  • La demande mondiale de climatisation augmente de 3 à 4 % par an.
  • Le marché du refroidissement/réfrigération pèse plus de 110 milliards de dollars par an.
  • Les climatiseurs engloutissent déjà 9 % de la production électrique annuelle mondiale (et on parle de 20 % d’ici 2050 !).

Aux États-Unis, on ne plaisante pas avec la fraîcheur : près de 90 % des logements sont climatisés. Résultat, ces 330 millions d’Américains consomment plus d’énergie pour le froid domestique que toute la planète réunie ! La Chine grimpe fort aussi : en 2013, 64 millions de climatiseurs vendus, bien plus qu’aux États-Unis, alors qu’en 1995, seuls 8 % des logements citadins étaient climatisés (contre 70 % en 2004). L’Arabie saoudite n’est pas en reste : l’été, jusqu’à 70 % de l’électricité part dans des systèmes de refroidissement. Bref, la planète entière transpire… et branche la prise.

Quand on n’a pas la prise : l’ingéniosité en renfort

Pourtant, plus de 700 millions de personnes vivent hors réseau électrique, avec la chaleur pour seule compagne estivale. C’est justement à ces populations, et aux régions chaudes et ensoleillées, que s’adresse une innovation bluffante sortie des laboratoires d’Arabie saoudite : un système passif, sans électricité, qui conjugue science et simplicité technique.

Le principe ? Utiliser le phénomène naturel du « changement de phase ». Plus précisément, miser sur les propriétés des cristaux de sel qui, lorsqu’ils se dissolvent dans l’eau, absorbent de l’énergie : une réaction endothermique. Pour les non-chimistes : ajoutez du sel à de l’eau chaude, le mélange refroidit… Ce n’est pas de la magie, c’est de la science !

NESCOD : la fraîcheur sur demande, sans prise de tête

Dirigée par le professeur Peng Wang à l’Université des sciences et technologies du roi Abdallah (KAUST), l’équipe de chercheurs a mené sérieusement l’enquête : quels sels sont les plus efficaces ? À l’issue de leurs expérimentations, un champion s’impose : le nitrate d’ammonium (NH4NO3). Sa solubilité est impressionnante : jusqu’à 8710 g/L dans l’eau à 100 °C, bien plus que le chlorure d’ammonium, et son pouvoir de refroidissement est quatre fois supérieur à ses concurrents. Bonne nouvelle : ce sel est courant, peu coûteux, facile à stocker et déjà bien connu pour d’autres usages.

La recette « testée et (très) approuvée » par l’équipe ?

  • De l’eau avec du nitrate d’ammonium dans un récipient métallique.
  • Ce récipient, dans une boîte en mousse de polystyrène parfaitement scellée pour assurer une bonne isolation thermique.

Verdict : en une vingtaine de minutes, la température chute de 25 °C à 3,6 °C ! Et, cerise sur le sorbet, le froid reste en dessous de 15 °C pendant plus de 15 heures ! De quoi conserver vos aliments ou rafraîchir une pièce, le tout sans consommer un seul watt.

Ce système, baptisé NESCOD (« no electricity and sustainable cooling on-demand »), affiche une puissance frigorifique théorique pouvant grimper jusqu’à 191 W par mètre carré. Assez pour refroidir une pièce ou maintenir de la nourriture au frais, selon les chercheurs.

Écologie et autonomie : la boucle est bouclée !

Le clou du spectacle ? Le système a pensé à tout pour la durabilité : une fois que le sel est dissous, on peut utiliser la chaleur solaire pour évaporer l’eau du mélange, récupérer les cristaux de sel et les réutiliser. L’équipe insiste bien : le refroidissement par dissolution et la régénération du sel sont séparés spatialement et dans le temps, autorisant ainsi stockage et usage de l’énergie selon les besoins, saison après saison.

Et pour ceux qui craindraient d’avoir à sacrifier leur réserve d’eau dans des régions déjà arides, pas de panique : la majeure partie du liquide peut être récupérée grâce à un distillateur solaire. L’eau n’est donc pas perdue, elle aussi repart pour un tour… écologique !

En résumé, alors que la planète s’échauffe et que la demande de fraîcheur semble inarrêtable, une alternative s’offre à nous : ingénieuse, durable et accessible. NESCOD démontre que l’on peut garder la tête froide sans carboniser son avenir… ni sa facture énergétique !